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Un énorme bavard animé par la passion
Le grand bonheur de Tibet, ces dernières années, fut d’avoir écrit un livre, un vrai. Avec ses albums de BD, chaque premier tirage dépassait les 50.000 exemplaires. 2.000 ou 3.000 ici. Peu lui importait : ce livre fut sa passion.
Dans Qui fait peur à maman ?, Tibet racontait les petites histoires de sa jeunesse. Il terminait en perdant… sa virginité. Le titre qu’il avait choisi était lié au premier drame de cet enfant marseillais : la maladie de sa maman, le toc. Elle a commencé par avoir peur d’un grand-père qui avait un bouton sur la joue, puis de toutes les personnes qui approchaient ce grand-père, puis de toute la ville de Marseille. À ce point qu’à 4 ans, le petit Gilbert Gascard s’est retrouvé à Bruxelles.
Son frère, qui avait un an de plus que lui, avait du mal à prononcer son prénom. Au lieu de Gilbert, il disait Tibet. “Ça m’est resté. Et comme j’ai toujours détesté mon prénom…”
Son talent de dessinateur s’est manifesté très tôt : “Un jour, dans un restaurant, j’ai dessiné la tête d’un client. Je n’avais pas 5 ans. Papa était tellement impressionné qu’il m’a proposé d’aller offrir ce dessin à ce monsieur. Qui m’a donné 25 centimes de l’époque.”
Ce père, il allait en être séparé : “Nous étions en Belgique, lui à Marseille. La guerre l’empêchait de venir. Après, ma mère lui a écrit en lui disant de rester, que nous, on ne pensait plus à lui… Je ne l’ai pas revu pendant onze ans. Il m’a profondément manqué.” Le livre de Tibet était aussi truffé d’anecdotes drôles. Il a connu avant tout le monde le futur ministre Simonet : “Nous avons été amoureux de la même fille.” Et aussi le journaliste Frédéric François que Tibet emmenait au cinéma en resquillant : “Il avait une peur bleue.”
Salvatore Adamo a signé la préface. Il était sans doute le meilleur ami de ce passionné des spectacles, qui admirait les artistes sans réserve. Pour rencontrer Tibet, le plus facile était d’aller au Cirque Royal ou au Théâtre des Galeries.
Ce n’était pas un homme qui hurlait de rire toutes les cinq minutes. Mais il était, en permanence, souriant et amusé.
La nature l’avait aussi doté d’une mémoire phénoménale. Il se souvenait de tous et de tout. Ce don-là lui permettait de savourer ses souvenirs avec un plaisir quasi enfantin.
Tibet était un énorme bavard, si merveilleux à écouter. Finalement, les journalistes l’ont moins interviewé pour lui faire parler de lui que pour lui faire raconter les autres qu’il avait côtoyés.
Goscinny, Franquin et surtout Hergé. Il a toujours eu les larmes aux yeux en racontant leur dernier contact : “En février 1983, je devais être opéré du cœur. J’en avais une peur bleue. Un jour, mon fils m’a dit : “Hergé a téléphoné pour te dire qu’il pensait à toi.” Hergé est mort quelques jours plus tard. Le vrai malade, c’était lui. Et celui qui téléphonait à l’autre pour l’encourager, c’était lui aussi.” Et voilà que Tibet est à nouveau avec son maître.
Eddy Przybylski
Bulles encore vides pour " La DH: Il aimait tellement les artistes "
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